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Cocktail masqué

Nouvelle écrite en 2005

Inédite

Un bal masqué, avec un pari à la clé : reconnaître sa fiancée sous son déguisement. Sous peine de la perdre définitivement.

Un jeu. Jusqu’au moment où le destin se met à faire des farces et fait tomber les masques.

Présentation

Qui se cache sous les masques ? Plus personne ne sait qui est qui, ni le maître des lieux ni ses invités. Et il fait chaud sous les masques.

Extrait

Ce cocktail, je l’avais organisé pour nos fiançailles. Ce devait être le plus beau jour de ma vie. Et de la sienne. Il a viré au cauchemar. Pour moi, en tout cas.

J’avais vu grand. Convié beaucoup de monde et exigé un cocktail costumé. Je ne savais pas quelle tenue elle choisirait. Le jeu pour moi consisterait à la reconnaître malgré son déguisement. J’avais parié qu’il ne me faudrait pas plus d’une demi-heure pour la démasquer.

Elle avait relevé le défi.

Tout le monde est donc arrivé costumé, masqué, emperruqué. Une réunion de parfaits anonymes. Il est des choses qu’on ne peut pas dissimuler, si parfait que soit le déguisement. La taille, la corpulence, un boitillement, une disproportion corporelle… Mais Lisa était désespérément normale. Ni grande ni petite, ni grosse ni fluette. Que me restait-il pour la repérer ? Cachés, les cheveux, cachée la peau. Camouflée, la silhouette.

Les yeux ? Mais avez-vous remarqué comme les yeux, isolés dans un masque de cire ou de carton, perdent leur naturel et deviennent limite dérangeants ? Etre vu par des yeux sans visage, sans vie, perdus dans le pétrifié d’un masque... Impossible de savoir ce que pensent ces yeux-là, impossible d’en cerner l’expression.

Vous me direz d’accord, vous n’aviez pas d’indices. Mais la voix ? On ne déguise pas sa voix. Pour rendre le jeu intéressant, il fallait évidemment se taire. Ou chuchoter. Ainsi, la voix perd toute spécificité. Plus de timbre, plus d’intonations, plus d’accent. Des voix masquées, comme les visages. Et le mystère plus intense encore…

Nous formions donc une assemblée silencieuse de pantins sans visages qui s’ennuyaient en silence devant des verres tentants - mais allez donc boire avec un masque - et des montagnes de petits toasts plus appétissants les uns que les autres.

Je détaillais les invités tandis qu’ils circulaient à petits pas, comme on circule dans ce genre d’assemblée. J’avais éliminé d’office les grands formats, tous les ventrus, pansus, fessus et ceux dont les mains étaient ridées. Mais il en restait plusieurs. Une nonne en robe blanche, une orientale toute en voiles, une cosmonaute casquée avec des gants énormes, une momie saucissonnée de bandelettes empestant le camphre…