Les quatre saisons - et la cinquième ?
Recueil de poèmes
écrits en 1987
inédit
Présentation
Première approche de la poésie, un défi que je me suis lancé, d’écrire un recueil de textes dans le cadre d’un concours littéraire. Je n’en avais jamais écrit, j’ai plongé sans retenue, et j’ai écrit en un mois près de septante poèmes ! Bien longs, musicaux, rimés.
Le classique (alexandrins, quatrains, octets...) me semblait naturel et couler de source. On m’a dit que c’était du néo-classique, ou du mauvais classique, parce que je ne respectais pas toutes les règles de la prosodie. Je ne les connais pas et n’ai aucune envie de les connaître ! Pourvu que ça rime à l’oreille et que le rythme y soit, ça me suffit.
Cinq sections dans le recueil :
- les saisons de la nature, les saisons de la vie, les quatre éléments… la vie telle qu’elle est.
- et la cinquième saison, celle de l’après-vie (de l’avant-vie ?), avec tout son mystère.
Extrait
Le cœur en bandoulière (février 87)
C'était le temps béni de l'enfance frivole
C'était le temps fleuri de la petite école
Les glycines dévalent sur le mur décrépit
Les filles jouent à la balle et les garçons, pardi
Ils embêtent les filles, ou bien ils jouent aux billes
Les filles ont les cheveux tenus par des rubans
Les galopins fougueux sautent au-dessus des bancs
Voilà la voix flûtée de la petite cloche
Et l'on n'entend sonner que le bruit des galoches
Tandis que les enfants se mettent sur deux rangs
Délicieux souvenirs du temps où l'on avait
La vie pour avenir, du temps où l'on avait
Le cœur en bandoulière
Toujours prêt à charmer la petite écolière
Toujours prêt à distraire le petit écolier
Mais il est envolé
L'amour turquoise (février 87)
L'océan bleu frissonne, la brise tourbillonne
Et tes cheveux s'envolent en blondes mèches folles
Qui tour à tour me voilent, me brassent et me dévoilent
Ton visage bronzé, ton regard adoré
Moi j'aime tout en toi et surtout cet émoi
Qui vogue et qui dérive au fil de nos délires
Confiance mon amour, je rime avec toujours
Et notre vie en fleur se rit des vieilles peurs
L'orage (février 87)
La terre est en attente et brûle du désir
De la pluie vivifiante qui pourrait l'assouvir
Dans l'air lourd immobile et comme électrifié
Un merle crie et file vers le vieux pommier
La terre assoiffée tend ses arbres vers le ciel
Lui offre l'herbe sèche comme sur un autel
Muette suppliante sous un ciel sourd qui pèse
Lourd comme le péché puni dans la fournaise
Un éclair blanc soudain fulgure dans les cieux
Et c'est comme un répons subit et silencieux
Puis le tonnerre éclate enfer et cataractes
Des trombes d'eau dévalent en colonnes compactes
La terre s'offre alors au fouet de la pluie
Qui d'un coup d'aquarelle emplumée de magie
Ranime les couleurs d’un coup de pinceau fauve
Et fait briller la vie sous le joli ciel mauve
Nonchalance (février 87)
Couchée parmi les blés qui doucement balancent
Leurs beaux épis dorés qui ondoient en cadence
Je contemple leur danse sur le grand ciel bleuté
Et je rêve en silence à cette immensité
L'odeur du chaume enivre, innocente liqueur
Ma peau est moite et livre à regret ses odeurs
Et je me sens revivre et me laisse emporter
Flotter à la dérive en cette éternité
Intense jouissance de cet instant qui passe
Et qui semble arrêté tant que je me prélasse
Au cœur du champ de blé. Et l'air chaud m'assoupit
La terre qui embaume me réveille à demi
Et moi je me balance comme les blés qui dansent
Infinie nonchalance entre éveil et oubli
La mer en sommeil (février 87)
Lèvres nacrées, lèvres vermeilles
Les yeux plissés par le soleil…
Coquilles nacrées, sable en sommeil
La mer salée sur les orteils…
La peau hâlée par le soleil
Ongles nacrés, ongles vermeils…
L'âme nacrée qui s'émerveille
Un vent léger dans les oreilles…
Les yeux plissés par le soleil
Et j'ai sombré dans le sommeil…
Les galops (février 87)
Il galope éperdu
Dans la vaste étendue
Le vent dans la crinière
Vole au ras de la terre
Le merveilleux cheval
Le plus bel animal
Que la terre ait porté
Il s'arrête haletant
Et les naseaux fumants
Se secoue et hennit
Et sa voix retentit
Au loin dans la montagne
Évasant la campagne
Et le silence d'or
Puis il secoue la tête
Hume l'herbe et s'apprête
À goûter quelques brins
Mais n'a pas assez faim
Laissant l'herbe il s'élance
Les sabots en cadence
Et repart au galop
Nos goélands (février 87)
De temps en temps, un goéland vient traverser notre océan
Tout de lumière façonné et tout de grâce couronné
Et nous voilà illuminés pour deux ou trois milliers d'années
Et nous qui venons du néant et qui ne savons pas comment
Prêtons l'oreille à ce prophète, à ce mutant, à ce poète
Sur notre planète exilé, qui nous descend pour révéler
À la modeste humanité sa parcelle de vérité
C'est Jésus-Christ ou c'est Bouddha qui vient nous guider ici-bas
Et oriente notre voile vers cet ailleurs, vers cette étoile
D'où nous venons, où nous allons, hors ce séjour sur ce ballon
Cette étonnante planète, cette obscure et vive comète
Que nous appelons notre Terre et que nous croyons notre mère
Le goéland plane en rêvant, nous met sur les ailes du vent
Mêlant notre animalité à ce grand goût d'éternité
C'est Jésus-Christ ou c'est Gandhi par qui l'humanité grandit